Dans un article intitulé « Google nous rend-t-il stupide ? », publié en 2008 dans The Atlantic, l’écrivain américain Nicholas Carr exprimait ses inquiétudes à propos des effets du web sur ses capacités intellectuelles.
L’auteur y décrivait comment son attention s’était adaptée à la façon dont le web distribuait l’information, développant chez lui un style de lecture orienté vers l’immédiateté et l’efficacité : « auparavant, j’étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski », constatait-il amèrement. La revue Books s’était fait l’écho de la controverse qui avait suivi la publication de cet article.
Il y a quelques années, c’est le livre de Franck Frommer sur La pensée PowerPoint, ce « logiciel qui rend stupide », qui a fait parler de lui. Et un peu plus tard, c’est la revue Clés qui a consacré un dossier sur l’impact des technologies sur un cerveau dont on connaît aujourd’hui le caractère malléable. L’occasion pour moi de revenir sur un débat essentiel.
Si vous avez un smartphone, peut-être vous êtes-vous déjà fait cette remarque : dorénavant, rares sont les interrogations du quotidien qui restent sans réponse. « Comment s’appelait le dernier film de Tarantino déjà ? », « quel est le nom de l’écrivain du roman que je lisais l’été dernier ? », « pourquoi cette place s’appelle-t-elle ainsi ? ».
Avant, on cherchait la réponse, on se triturait les méninges, on faisait appel à nos souvenirs, ou à notre sens de la déduction. Aujourd’hui, on sort son téléphone, et en quelques secondes, Google nous fournit une réponse. C’est très pratique, mais à force de moins le solliciter, notre cerveau ne risque-t-il pas de perdre de sa vigueur ?
Nombreux sont les utilisateurs de GPS à faire un constat similaire : à force d’utiliser quotidiennement un outil qui nous dit comment nous rendre le plus efficacement d’un point A à un point B, on perd le sens de l’orientation, on a moins la mémoire des lieux, et nos capacités de repérage s’en retrouvent amoindries. Alors, les technologies que nous utilisons sont-elles utiles au point de nous rendre bête ?
Rassurez-vous, la question de l’impact des technologies sur nos manières de penser n’est pas née avec le numérique et le web. Aristote et Socrate conversaient déjà sur les méfaits de l’écriture face à une parole censée garantir une authenticité de la pensée, et chaque apparition d’une nouvelle technologie, de l’imprimerie à internet, en passant par le télégraphe, la radio et la télévision, a soulevé de vives inquiétudes quant à ses effets sur notre chère matière grise.
Pour autant, ce qui est notable dans cette controverse, c’est que les personnalités qui se font l’écho de leurs interrogations ne sont pas des technophobes nostalgiques : Nicholas Carr est un spécialiste reconnu du numérique, ayant publié plusieurs ouvrages sur le sujet, Franck Frommer est journaliste spécialisé dans les domaines de la communication et du web, et même Bruce Sterling, du magazine Wired, la bible des technophiles convaincus, exprime ses doutes sur les bienfaits de l’ultraconnectivité, comme le rapporte Amaury de Rochegonde dans sa chronique sur France Info.
Mais attendez une minute avant de brûler votre ordinateur et de jeter votre téléphone par la fenêtre : je vous disais qu’il y avait controverse sur le sujet, les avis ne sont donc pas unanimes.
Loin de là. Je manquerais d’espace, et vous de temps (puisque vous lisez cet article sur internet), pour vous parler de toutes les études qui pointent des effets exactement contraires à ceux précédemment cités. On y souligne par exemple la posture active des usagers du web, face aux spectateurs des médias de masse cantonnés à un rôle de réception. L’internaute navigue, fait des requêtes, évalue des contenus, les classe, en produit d’autres, bref, il agit sur le web autant que le web agit sur lui.
On s’intéresse encore au caractère social du web, qui fait passer l’individuel au second plan, et on remet sur la table la question de l’« intelligence collective ». Surtout, certains observateurs pointent les bienfaits qu’il peut y avoir à déléguer des pratiques aux objets qui nous entourent. A travers l’histoire, la technique a toujours permis d’extérioriser des gestes, des valeurs, des normes, libérant du temps et de l’espace, nous permettant de nous focaliser sur d’autres choses. Dans cette optique, si le web nous permet d’extérioriser certains pans de notre mémoire, où certains raisonnements simples, de nouvelles capacités émergeront de cet espace libéré.
Alors, le web nous rend-t-il plus intelligent ou plus bête ? Bien sûr, vous n’aurez pas de réponse ici. Vous n’en aurez nulle part d’ailleurs. Les positions sont tranchées. Le débat est ancien. Et concernant les technologies du numérique et du multimédia, il faudra encore attendre quelques années avant de pouvoir mesurer des effets tangibles. D’ici là, si vous vous sentez oppressé par votre boîte mail, ou si vous perdez pied dans les fils de vos réseaux sociaux, apprenez à vous déconnecter.
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